La section 2 du présent rapport a exploré les tendances du recours à la planification familiale dans les pays prioritaires de l’USAID. La section 3 examine comment ces tendances pourraient influencer les tendances récentes et prévues en matière de fécondité.


Il est important de comprendre la relation entre l’utilisation des contraceptifs et les tendances futures de la fécondité. Les tendances démographiques telles que la fécondité influencent la façon dont les pays planifient et allouent les ressources pour leur population à court, à moyen et à long terme. Il est essentiel que les projections démographiques soient fondées sur des hypothèses et des analyses solides. À l’échelle mondiale, le TPCm et l’indice synthétique de fécondité (ISF) des pays ont évolué dans le temps selon un schéma cohérent : Plus le TPCm augmente, plus l’ISF diminue. Certaines données suggèrent que la force de la relation entre la prévalence contraceptive et les taux de fécondité observée par le passé dans d’autres régions pourrait sembler différente en ASS, mais les conclusions à ce sujet sont mitigées et les recherches actuelles limitées tentent d’expliquer les facteurs spécifiques aux pays justifiant cette différence.7


La figure 9 présente l’ISF selon l’étape de la courbe en S pour les trois périodes d’enquête les plus récentes. Six pays où la fécondité stagne ou augmente se distinguent : Bénin, Burkina Faso, RDC, Ghana, Mali et Niger. Même parmi les pays où le TPCm augmente lentement, la stagnation ou l’augmentation de l’ISF est surprenante. En examinant les transitions historiques des pays, sept pays (le Cameroun, la Guinée, le Mozambique, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et la Zambie) ont également connu des augmentations de l’ISF pendant au moins une période d’enquête alors qu’ils se trouvaient à l’étape 1 ou au début de l’étape 2, mais à un degré moindre que celui observé dans les six pays remarquables.


Nous avons exploré plusieurs facteurs susceptibles d’influencer la relation entre le TPCm et l’ISF, en particulier dans les six pays prioritaires de l’USAID présentant des signes de stagnation de la fécondité : la combinaison de méthodes et l’efficacité moyenne de la combinaison de méthodes, la fécondité idéale et l’infécondabilité (qui fait référence à la période suivant l’accouchement, pendant laquelle les femmes courent moins de risques de grossesse en raison de l’allaitement et/ou de l’abstinence). Nombre de facteurs pourraient influencer les tendances de la fécondité, et cette analyse n’est pas exhaustive. Par exemple, les tendances régionales concernant l’âge à la première naissance et le nombre d’enfants que les femmes ont, en moyenne, avant de recourir à la contraception, influencent également les taux de fécondité et justifient une analyse plus approfondie.


Figure 9. Indice synthétique de fécondité selon l’étape de la courbe en S pour certains pays d’Afrique subsaharienne

Source: Les enquêtes démographiques et de santé.

L’efficacité de la combinaison de méthodes est plus élevée dans les pays où l’indice synthétique de fécondité est plus élevé, mais elle n’est probablement pas un facteur important de stagnation de la fécondité.

Dans l’ensemble des pays d’ASS, la combinaison de méthodes contraceptives se diversifie à mesure que les pays avancent dans les étapes de la courbe en S. Les pays aux étapes 2 et 3 présentent une plus grande proportion d’utilisation de contraceptifs injectables et d’implants, et une utilisation comparativement plus faible de méthodes à courte durée d’action. Les pays à l’étape 1 ont tendance à utiliser davantage les méthodes à courte durée d’action, notamment les préservatifs et l’aménorrhée lactationnelle.


Les tendances en matière de combinaison de méthodes, en particulier la prévalence des méthodes à courte et à longue durée d’action, entraînent des répercussions sur le système de santé et les tendances en matière de fécondité. Si la demande et l’utilisation accrues des méthodes à longue durée d’action peuvent nécessiter une formation plus spécialisée des prestataires, la fourniture de ces méthodes tend à exercer une pression globale moindre sur le système de santé par rapport aux méthodes à courte durée d’action qui nécessitent un approvisionnement régulier et des contacts fréquents avec les prestataires. Les décideurs nationaux devraient se demander si le système de santé répond à la demande de méthodes à longue durée d’action par rapport aux méthodes à courte durée d’action, l’objectif étant de garantir que les femmes et les couples puissent choisir et avoir accès en permanence à la méthode contraceptive de leur choix, sans contrainte.


La combinaison de méthodes pourrait également influencer les tendances en matière de fécondité. Certaines méthodes sont plus efficaces que d’autres pour éviter les grossesses chez l’utilisatrice moyenne des méthodes de planification familiale. Une combinaison de méthodes dont l’efficacité globale est plus élevée pourrait réduire les grossesses non planifiées dues à l’échec d’une méthode de planification familiale. Nous avons calculé l’efficacité de la combinaison de méthodes en multipliant les proportions spécifiques à la méthode d’une combinaison de méthodes par son taux d’efficacité et en additionnant les produits. Les taux d’efficacité des méthodes ont été calculés en soustrayant les taux d’échec des méthodes de 100. L’échec de la méthode est la proportion de femmes qui tomberont enceintes au cours d’une année en raison de l’échec de la méthode.


La Figure 10 montre que l’efficacité moyenne de la combinaison de méthodes a augmenté dans tous les pays de l’étape 3 et dans la plupart des pays de l’étape 2. Si l’on considère spécifiquement les six pays où la fécondité stagne ou augmente (Bénin, Burkina Faso, RDC, Ghana, Mali et Niger), l’efficacité moyenne des méthodes n’a diminué qu’en RDC et au Niger entre les deux enquêtes les plus récentes.


Figure 10. Efficacité des méthodes contraceptives selon l’étape de la courbe en S pour certains pays d’Afrique subsaharienne.

figure 10
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Source: Analyse par Avenir Health des enquêtes démographiques et de santé.

La fécondité idéale élevée et l’utilisation de la planification familiale pour espacer les naissances plutôt que de les limiter suggèrent que la baisse de la fécondité pourrait rester plus lente en ASS par rapport aux autres régions.

Notre analyse révèle que les femmes d’Afrique subsaharienne ont largement recours à la planification familiale pour espacer les naissances, plutôt que de les limiter. La fécondité idéale reste supérieure à l’ISF dans la moitié des six pays présentant des signes de stagnation de la fécondité.


La Figure 11 montre que l’ISF est supérieur à la fécondité idéale moyenne dans la plupart des pays, ce qui suggère que la fécondité pourrait continuer à baisser dans ces pays même si les idéaux ne changent pas. Toutefois, dans trois des pays où la fécondité stagne ou augmente (Burkina Faso, Ghana et Niger), le nombre idéal moyen d’enfants est supérieur à l’ISF. Dans les pays où les femmes souhaitent, en moyenne, avoir plus d’enfants qu’elles n’en ont actuellement, la fécondité totale restera probablement plus élevée. Même si le TPCm augmente, les femmes pourraient être plus enclines à utiliser des contraceptifs pour espacer les naissances plutôt que de les limiter.


Figure 11. Indice synthétique de fécondité et fécondité idéale selon l’étape de la courbe en S pour certains pays d’Afrique subsaharienne

Source: Les enquêtes démographiques et de santé.


La Figure 12 montre dans quelle mesure les femmes utilisent les contraceptifs pour espacer ou limiter les naissances selon qu’elles ont atteint ou non leur idéal de fécondité. Plus précisément, nous avons examiné le recours à la planification familiale pour espacer ou limiter les naissances chez les femmes ayant :

  • ont atteint leur fécondité idéale : le nombre d’enfants vivants est égal au nombre idéal d’enfants.
  • n’ont pas atteint leur fécondité idéale : le nombre d’enfants vivants est inférieur au nombre idéal d’enfants.
  • ont dépassé leur fécondité idéale : le nombre d’enfants vivants est supérieur au nombre idéal d’enfants.

Dans tous les pays, la plus grande catégorie d’utilisatrices de contraceptifs est constituée par les femmes qui n’ont pas encore atteint leur fécondité idéale, c’est-à-dire qui souhaitent avoir plus d’enfants. La plupart de ces femmes utilisent une méthode contraceptive pour espacer les naissances plutôt que de les limiter. L’utilisation de contraceptifs chez les femmes qui souhaitent avoir plus d’enfants est un signal important qui montre que les femmes utilisent effectivement les méthodes de contraception pour atteindre leur idéal de fécondité grâce à une planification et un espacement sains des grossesses.


Figure 12. Utilisation de contraceptifs pour espacer les naissances ou les limiter dans certains pays d’Afrique subsaharienne, selon l’étape de la courbe en S.

figure 10

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Source: Les enquêtes démographiques et de santé.

En revanche, une plus grande proportion de femmes ayant atteint ou dépassé leur fécondité idéale utilisent une méthode contraceptive pour limiter les naissances. Toutefois, étant donné que la plupart des femmes d’ASS n’ont pas encore atteint leur idéal de fécondité et utilisent largement les méthodes de contraception pour espacer les naissances, l’impact de l’utilisation de la contraception sur l’ISF sera plus faible par rapport aux régions où l’utilisation des contraceptifs pour limiter les naissances est plus importante.

D’après des recherches récentes, une évolution vers la limitation des naissances pourrait être en cours dans les pays où la fécondité totale est tombée en dessous de cinq enfants par femme.8Cette tendance mérite d’être surveillée car elle pourrait éventuellement être observée ailleurs dans la région, avec des implications pour l’accélération future de la baisse de la fécondité.

Les comportements post-partum influencent également les tendances de la fécondité dans la plupart des six pays d’Afrique subsaharienne où la fécondité est en hausse ou en stagnation.

Dans les six pays où la fécondité est en hausse ou stagne (Bénin, Burkina Faso, RDC, Ghana, Mali et Niger), les idéaux de fécondité élevés sont un facteur clé dans trois pays (Burkina Faso, Ghana et Niger). L’utilisation accrue de méthodes à courte durée d’action dans deux pays (RDC et Niger) pourrait également contribuer à cette tendance. Cependant, ces facteurs n’expliquent pas les tendances dans l’ensemble des six pays et il est probable qu’ils n’expliquent pas entièrement les tendances au Burkina Faso, en RDC, au Ghana et au Niger.


Nous cherchons donc à savoir si les tendances liées à la période post-partum — ou à la période qui suit l’accouchement lorsque les changements biologiques subis par les femmes pendant la grossesse reviennent à la normale — pourraient contribuer à expliquer davantage la stagnation de la fécondité dans ces pays.9


Pendant la période post-partum, certains comportements inhibent la probabilité pour les femmes de tomber à nouveau enceintes, même sans utilisation de contraceptifs. L’allaitement maternel exclusif pendant cette période entraîne une aménorrhée (ou absence de menstruation), ce qui rend les femmes biologiquement moins susceptibles de tomber enceintes pendant environ six mois après une naissance. Les comportements et les normes sociales concernant l’abstinence pendant la période post-partum pourraient également contribuer à la faible probabilité biologique de grossesse des femmes.


La Figure 13 montre la durée médiane de l’insusceptibilité post-partum (le nombre de mois pendant lesquels les femmes sont encore en aménorrhée ou s’abstiennent encore de rapports sexuels après l’accouchement) à partir des deux plus récentes EDS des pays d’ASS où l’ISF est en hausse ou stagne. La durée médiane de l’insusceptibilité post-partum a diminué entre les enquêtes, pour tous les pays sauf la RDC.


Figure 13. Durée médiane de l’insusceptibilité post-partum (IPP) dans six pays d’Afrique subsaharienne, en mois

Source: Les enquêtes démographiques et de santé.


Les tendances de l’utilisation de contraceptifs pendant la période d’insusceptibilité post-partum dans les pays pourraient influencer davantage la relation entre le TPCm et la fécondité. Pendant la période d’insusceptibilité post-partum, l’utilisation de contraceptifs est superflue car les comportements liés à l’allaitement et à l’abstinence évitent déjà les grossesses. Dans les pays où une proportion remarquable d’utilisatrices de contraceptifs connaissent également une aménorrhée due à l’allaitement ou à l’abstinence, l’impact total du TPCm sur les taux de fécondité sera plus faible.


La Figure 14 montre la proportion d’utilisatrices de contraceptifs modernes qui sont en aménorrhée ou abstinentes pendant le post-partum pour les deux enquêtes EDS les plus récentes des six pays où l’ISF est soit stagnant soit en hausse. La proportion d’utilisatrices de méthodes modernes qui ne sont pas à risque en raison d’une aménorrhée ou d’une abstinence post-partum a augmenté entre les enquêtes, pour tous les pays sauf le Burkina Faso. Cette tendance pourrait contribuer à expliquer pourquoi l’utilisation de méthodes contraceptives modernes augmente dans la plupart de ces pays sans s’accompagner d’une baisse de la fécondité totale.


Figure 14. Proportion des femmes utilisant des méthodes modernes de planification familiale qui sont aménorrhéiques ou abstinentes après l’accouchement

Source: Les enquêtes démographiques et de santé.


Nos résultats montrent que les idéaux de fécondité, la forte utilisation de contraceptifs pour espacer plutôt que limiter les naissances, et les comportements influençant la période d’insusceptibilité post-partum à la grossesse ont une incidence sur les tendances de la fécondité en ASS.


Comme indiqué précédemment dans le présent rapport, bien d’autres facteurs pourraient influencer les tendances de la fécondité et les estimations démographiques, comme les tendances sociodémographiques de l’éducation des filles, l’âge du premier mariage et l’urbanisation. Cependant, cette analyse renforce d’autres recherches qui révèlent des schémas uniques autour de l’utilisation des contraceptifs et de la baisse de la fécondité en ASS. Les décideurs politiques devraient examiner attentivement les hypothèses qui sous-tendent leurs projections démographiques.

Les perturbations de l’éducation des filles causées par la pandémie de COVID-19 pourraient influencer les tendances de la fécondité.

Comme nous l’avons souligné dans la section 2, les données STIM et les données d’enquêtes longitudinales propres à chaque pays d’Afrique subsaharienne montrent que la plupart des femmes n’ont pas modifié leur utilisation de contraceptifs en 2020. En fait, l’utilisation globale de contraceptifs était plus élevée que prévu sur la base des tendances à long terme.10


Contrairement aux effets modérément perturbateurs de la pandémie sur la prestation de services de planification familiale, l’enseignement formel des élèves du primaire et du secondaire a été interrompu dans bien de pays pendant des mois et, dans certains cas, pendant plus d’un an. Sur les 46 pays d’ASS dont les données sont suivies par l’UNESCO, 16 ont connu des fermetures complètes durant au moins 20 semaines.11 En Ouganda, les écoles n’ont pas rouvert avant janvier 2022, soit près de deux ans après leur fermeture.


L’impact de la fermeture prolongée d’écoles sur les filles, dont le rendement économique de l’éducation est plus élevé que celui des garçons, est inquiétant et s’étend à de nombreux aspects de leur santé et de leur développement. Une étude réalisée en 2021 au Kenya a révélé que le pourcentage de filles qui ne sont pas retournées à la réouverture des écoles était le double de celui des garçons.12 Par rapport aux filles ayant terminé leurs études secondaires avant la pandémie, les filles des zones rurales du Kenya dont l’éducation a été perturbée par la pandémie étaient deux fois plus susceptibles de tomber enceintes alors qu’elles étaient scolarisées, trois fois plus susceptibles d’abandonner l’école et moins susceptibles de déclarer que leur premier rapport sexuel était souhaité.13 En Afrique du Sud, le département de la santé de Gauteng a signalé une augmentation de près de 60 % du nombre de filles de moins de 18 ans ayant accouché au cours de la première année de la pandémie.14 Les filles et les femmes ont également souffert d’une forte augmentation de la violence basée sur le genre (VBG) pendant la pandémie ; en Afrique de l’Est, les ministères en charge des questions liées au genre ont enregistré une augmentation de 48 % des cas signalés.15 Dans les pays où les politiques empêchent les mères adolescentes de retourner à l’école, le risque de grossesses rapides et répétées (grossesses survenant dans les deux ans suivant une naissance vivante) chez les adolescentes non scolarisées pourrait être particulièrement élevé.


Les implications des impacts relativement modérés de la pandémie sur l’utilisation des contraceptifs ainsi que ses impacts graves sur l’éducation des filles et la violence basée sur le genre méritent d’être davantage explorées. Pour comprendre et traiter ces tendances et effets, qui sont encore en train d’émerger, les décideurs politiques et les partenaires devraient :

  • Augmenter les investissements à l’effet de collecter et analyser des données comparables sur les fermetures d’écoles ainsi que les variations dans la scolarisation et le niveau d’éducation des filles.
  • Augmenter les investissements dans les cadres de politique de Santé scolaire du Ministère de l’Éducation qui crée une situation gagnant-gagnant pour les secteurs de la santé et de l’éducation grâce à la fourniture de services essentiels — en particulier l’alimentation et la nutrition scolaires et l’éducation complète à la sexualité.
  • Soutenir les efforts visant la mise à l’échelle de l’éducation complète à la sexualité dans les écoles, notamment en mobilisant les organisations de la société civile et les chefs religieux à l’effet de surmonter les obstacles politiques.
  • Investir dans des initiatives de sensibilisation afin de mettre fin aux politiques qui empêchent les élèves enceintes et les mères adolescentes de retourner à l’école.
  • Investir dans l’analyse afin de comprendre les implications démographiques potentielles, notamment la fertilité, les variations du niveau d’éducation des filles.

Après des années de disparités avec les programmes de santé et d’éducation de l’USAID, de nouveaux efforts promettent de rapprocher les secteurs.


La collaboration entre les secteurs de la santé et de l’éducation pour atténuer les effets de la pandémie sur le bien-être des filles est plus urgente que jamais.